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Colette, Sido, « La célébration de l'aube », 1929



Deux êtres exercèrent une influence fondamentale sur Colette, Sidonie (sa mère), surnommée « Sido » et Willy (son mari). Dans son très court récit éponyme, publié en 1930, Colette raconte ses souvenirs d'enfance au milieu de la nature, toujours omniprésente, et évoque le souvenir de cette mère chérie. Le passage étudié se situe au début de l'œuvre après que la narratrice a fait revivre le jardin de Sido.

Problématique :


Comment, à travers cette description, Colette fait-elle le portrait de l'enfant qu'elle était ?

Mouvements du texte :


L.1 à 11: Colette fait revivre les paysages de son enfance
L.12 à 19: Elle exprime la communion profonde de la fillette et de la nature
L.19 à 20: le retour dans le présent est plein de nostalgie



1 - Colette fait revivre les paysages de son enfance


- Colette propose une image poétique des paysages de son enfance dans l'Yonne. Elle exprime son amour à travers l'emploi du pronom personnel « je » (récit autobiographique: L'auteure narratrice=personnage) et le verbe modalisateur conjugué à l'imparfait «j'aimais »l.1.L'adverbe de quantité « tant » l.1 souligne cet amour sans limite, surprenant pour une petite fille. L'adverbe de temps « déjà », qui suit, montre que rien n'a changé des années plus tard. L'aube est un moment privilégié. Les indications temporelles 1.2 et 5 « A trois heures et demie » introduisent le cadre. La promenade au lever du jour est connotée très positivement, c'est un privilège comme le montre l'image du cadeau introduite 1.1 «ma mère me l'accordait en récompense » ou encore la proposition subordonnée complétive 1.1/2 « J'obtenais qu'elle m'éveillât à trois heures et demie ».En effet, les enfants dorment à cette heure-là.
- Le verbe de mouvement «< je m'en allais » connote l'habitude et la liberté. La nature est personnifiée avec le verbe « se réfugiaient » et le paysage commence à se dessiner avec le champ lexical de la nature (« terres », « la rivière », « les cassis et les groseilles barbues », elles aussi personnifiées de façon amusante). L'énumération de mots au pluriel souligne la richesse de cette nature qui abonde en fruits de toutes sortes.
- Colette nous donne à voir un paysage paisible avec l'évocation du sommeil « tout dormait ». L'adjectif indéfini « tout » renvoie aux êtres humains comme aux animaux et souligne la singularité de l'enfant éveillée. L'aube est associée à l'idée de commencement avec l'adjectif « originel »l. 5 et la répétition de l'adjectif numéral ordinal « premier »l.10 ainsi que la belle métaphore de « l'éclosion » du « soleil ».Le lexique du commencement et celui de la naissance se rejoignent alors. Le paysage ressemble au jardin du paradis terrestre, quand tout était en harmonie.
- C'est à travers les sensations de la fillette que ce paysage est perçu. Nous notons la sensation tactile (« humide », « souffle », « brouillard ») mais aussi visuelle avec la
couleur bleue I. 5, auditive avec l'« oiseau » alors que la sensation gustative a été sollicitée, au début du texte, avec l'évocation des fruits. Le champ lexical du corps (« mes jambes », « mon petit torse bien fait », «mes oreilles et mes narines », « mon corps ») va dans le même sens. Il y a beaucoup de sensualité dans cette description. L'enfant semble se livrer à une baignade sensuelle.
- L'originalité de cette expérience est évoquée par la proposition I. 8 « j'allais seule » et l'antithèse « pays mal pensant » et « sans dangers ». L'enfant ne risque rien dans cette région peu croyante. La mère la sait en sécurité. Cette expérience inoubliable est traduite par un vocabulaire très mélioratif « mon prix », « état de grâce indicible» et « ma connivence »1.9 à 11.Rien ne vient troubler ce décor, pas même l'enfant qui s'y promène.

2 - Elle exprime la communion profonde de la fillette et de la nature

- Après avoir délimité dans le temps sa promenade I. 12 « je revenais à la cloche de la première messe », probablement vers 7h le matin, Colette évoque sa communion avec la nature à travers la sensation gustative « mangé mon saoul »l.12, « goûté l'eau »1.13. Il lui faut « ingérer » cette nature. Elle se compare aussi à un animal avec la métaphore du « chien qui chasse seul »l.13. Comme lui, elle a la même familiarité avec la nature.
- L'eau prend une importance toute particulière des I .13 à 18. C'est un élément vital mais Colette se livre aussi à une sorte de rituel païen avec l'emploi du verbe « révérer »l.14. Le mot vient du latin vereor = craindre, respecter. Colette fait donc des sources des sortes de divinités. Elle les décrit avec des phrases complexes dont la longueur mime le mouvement. La personnification, avec les verbes de mouvement « se haussait » 1.14, « traçait »l.15, « replongeait »« froissait »l.16, accentue cette idée. La comparaison « comme un serpent » mime, elle aussi, le mouvement de l'eau qui coule. Le bruit de l'eau, évoqué par l'adjectif « cristalline » et le substantif « sanglot », est aussi perceptible à travers l'harmonie imitative des allitérations en [I] et [s].Cette eau féconde la terre et donne naissance à des fleurs les « narcisses, fleuris en ronde » qui tressent comme une couronne. A travers la sensation gustative à la 1.13 et à la I. 18 « goût de feuille de chêne » et « de fer et de tige de jacinthe », l'enfant communie avec la nature.

3 - le retour dans le présent est plein de nostalgie

- La narratrice revient au présent à la fin de l'extrait. On note les points de suspension I. 19, comme si l'émotion était trop forte et le changement de temps. C'est le présent de l'énonciation qui est employé avec le modalisateur « je souhaite ». La nostalgie domine dans ces dernières lignes avec l'évocation de la mort à travers l'euphémisme « au moment de tout finir ». Colette vieillissante évoque sa fin et « la gorgée imaginaire » peut nous faire penser à l'offrande que les morts devaient présenter en arrivant aux Enfers, dans la mythologie grecque. L'eau des sources devient alors une sorte de viatique (= communion portée à un mourant dans la religion catholique).

Pistes pour une conclusion:

A travers cette description de la nature à l'aube, Colette célèbre la beauté du monde mais se penche, aussi, sur ses propres origines. Avec lyrisme, elle fait revivre l'enfant qu'elle a été. C'est une constante des textes autobiographiques (donner des exemples)