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Musset, *On ne badine pas avec l'amour*, 1834
La scène des retrouvailles entre Camille et Perdican (I, 2, l.161-193)



Introduction :

Cette scène suit l’exposition où le chœur a présenté les personnages et les enjeux à travers les figures comiques de Dame Pluche et maître Blazius. Elle montre la rencontre très attendue entre Camille et Perdican, séparés depuis longtemps, en présence du baron, du curé Bridaine et d’autres témoins. Cette scène revisite le topos de la rencontre amoureuse, mais sous un angle qui annonce le drame.

Problématique :

Comment Musset détourne-t-il le langage dramatique classique de la scène de rencontre amoureuse pour annoncer le conflit à venir ?


I - Des attentes divergentes (l. 1 à 15)

- Entrée symbolique : Perdican et Camille entrent de côtés opposés, séparés dès leur arrivée.
- Le baron exprime son espoir de mariage avec un parallélisme (« chère », « cher ») et un ordre répétitif (« Embrassez-moi, et embrassez-vous »).
- Perdican manifeste un enthousiasme lyrique (« Quel bonheur ! Que je suis heureux ! »), tandis que Camille se montre froide et distante (« Je vous salue »).
- Perdican découvre Camille adulte, magnifiée par des adjectifs valorisants (« grande », « belle ») et des exclamations amoureuses (« Comme te voilà femme ! »).
- Le baron et les autres adultes jouent un rôle de spectateurs indifférents, avec des répliques banales valorisant les jeunes.
- Perdican, malgré son lyrisme, commence à parler de Camille à la troisième personne, signe d’une certaine distance.


II - Les premiers faux pas des retrouvailles (l. 16 à 23)

- Le baron insiste avec des impératifs pour provoquer un rapprochement (« Embrasse-la »).
- Camille refuse poliment mais fermement (« Excusez-moi »), gardant une réserve feinte.
- Les adultes restent indifférents aux sentiments réels des jeunes.
- Perdican évoque l’amour avec un lexique léger mais s’en défend, suggérant une tension entre émotion et retenue.
- Camille formule une maxime distante et impersonnelle sur l’amour et l’amitié, sans adresser directement ses interlocuteurs.


III - Un échec annoncé (l. 24 à la fin)

- Le baron et maître Bridaine commentent l’échec, soulignant leur rôle d’organisateurs.
- Le baron exprime sa déception avec un mélange de pathétique et de comique, passant du tragique aux expressions triviales.
- La réaction de Camille, notamment en se signant, est interprétée comme un refus moral et religieux, cause de l’échec.
- La scène mêle le ridicule, la frustration et la distance entre les générations.
- La liberté ou rigidité de Camille se manifeste dans son refus des conventions, ce qui déjoue les plans du baron.


Conclusion :

Cette scène, loin de la rencontre amoureuse traditionnelle pleine d’élans passionnés, est marquée par des non-dits, une parole qui fait obstacle et une tension sous-jacente. Le drame naît de cette opposition entre les attentes des adultes et la liberté des jeunes. Contrairement à Roméo et Juliette, ici l’amour est freiné, et la scène annonce les conflits à venir.